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L’extase et l’effroi : Barocco

Le « baroque » existe-t-il ? Le XVIIe siècle ne connaît que la « perle baroque » irrégulière. Par la suite, le terme prendra des connotations péjoratives et deviendra synonyme de bizarre ou fantasque. Il faudra attendre la fin du XIXe siècle pour que des savants germaniques s’avisent d’en faire une catégorie littéraire : Jacob Burckhardt (1818-1897) commence à employer ce terme dans ses cours à partir de 1874, puis son successeur Heinrich Wölfflin (1864-1945) précisera cette notion, qu’il envisage de façon avant tout formelle, d’abord dans Renaissance et Baroque (1888) puis dans ses Principes fondamentaux de l’histoire de l’art (1915).

L’usage du terme « baroque » par les historiens de l’art est très généralement accepté, sans donner lieu à polémique : il permet de nommer une période qui correspond au XVIIe et à la première moitié du XVIIIe siècle. Le mot baroque est aussi assez couramment accepté aujourd’hui dans le monde musical, au point de bénéficier d’un volume dans la célèbre collection de vulgarisation « pour les nuls ».

Il n’en va pas de même dans le domaine de la littérature, où, depuis qu’il a été popularisé, le terme n’a cessé de rencontrer de vives résistances, sans que celles-ci parviennent d’ailleurs à éclipser la notion.

Si le terme est employé, à propos des belles lettres, dès la première moitié du XXe siècle (par exemple, conjointement avec celui de maniérisme, chez Marcel Raymond), c’est Jean Rousset qui en systématisa l’usage, dans son maître ouvrage paru en 1954 : Circé et le paon : la littérature de l’âge baroque en France. Dans ce livre capital, Jean Rousset définit le baroque littéraire en appliquant à des textes des critères utilisés jusque-là pour les arts plastiques. Cette importation s’accompagne d’une nécessaire transposition, étant donné la différence de nature entre les arts visuels et la littérature.

Circé et le paon a rencontré un succès immense, et une opposition tout aussi considérable. Jean Rousset lui-même a pris rapidement ses distances avec la catégorie qu’il avait contribué à construire. Pour autant, ces critiques n’ont jamais eu raison de la notion. L’engouement pour le baroque littéraire n’est pas éteint, et il nous appartient ici de comprendre tout ensemble les causes des polémiques et celles du succès durable de cette catégorie.

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