Introduction

Le maniérisme et le baroque sont des catégories utilisées de longue date par les historiens de l’art pour décrire les productions artistiques des XVIe et XVIIe siècle, et continuent à être utilisées aujourd’hui sans beaucoup de contestation dans le champ des arts picturaux. Depuis une trentaine d’années, le terme de baroque est aussi appliqué avec succès à la production musicale des XVIIe et XVIIIe siècle.

L’application de ces termes aux belles lettres ne fut jamais aussi aisée. Dans les années 1950, Marcel Raymond [1] et Jean Rousset [2] ont tenté d’importer ces termes dans le domaine de la littérature. Toutefois, très vite, malgré la réception enthousiaste des chercheurs, le principe d’une transposition au domaine littéraire de ces deux termes issus des arts visuels fut contesté, et la pertinence même des mots de « maniérisme » et « baroque » fut remise en question. On reprocha à ces catégories d’être « exogènes », c’est-à-dire anachroniques, et on tenta de leur substituer d’autres notions, comme « asianisme » proposé par Marc Fumaroli.

Cinquante ans plus tard, il est devenu de bon ton de « tonner contre » [3] le maniérisme et le baroque littéraires. Sans les travaux des « Maîtres pilotes en Baroquie » [4], nous ignorerions tout ou presque du premier Corneille, d’Hopil et La Ceppède, et ou encore de Sainte-Colombe ; mais, inexplicablement (ou trop explicablement) ces succès n’ont jamais suffi à sauver une notion qui reste problématique.

Les pages qui suivent se proposent d’apporter sans a priori quelques pièces à ce procès. Les procédés propres à la peinture et l’architecture peuvent-ils être transposés à la littérature ? Est-il légitime d’employer les catégories de « baroque », « maniérisme » ou « rococo », inconnues des artistes et des écrivains du XVIIe siècle ? Tenues pour fécondes au XXe siècle, ces notions sont aujourd’hui suspectes et décriées aux yeux de beaucoup de lecteurs. C’est l’histoire polémique de ces concepts et de leur utilisation délicate en critique littéraire que nous aborderons dans ces pages.

Notes

[1Marcel Raymond, Baroque et Renaissance poétique, Paris, José Corti, 1955.

[2Circé et le paon. Le baroque littéraire en France, Paris, José Corti, 1954.

[3Voir Baroque/s et maniérisme/s littéraires : tonner contre ? Mélanges en l’honneur de Gisèle Venet, offerts par ses élèves, amis et collègues. Actes du colloque de l’université de Paris III - Sorbonne Nouvelle, 2-4 juin 2005, Etudes Epistémè, 9, 2006.

[4Pour reprendre les mots de Raymond à l’égard de Rousset (Baroque et Renaissance poétique, op. cit., p. 9).

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